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Mon employeur me demande de changer de poste : Ai-je le droit de refuser ? Par Maître SHIRKHANLOO Avocat en droit du Travail

Le 26 novembre 2016
Mon employeur me demande de changer de poste : Ai-je le droit de refuser ? Par Maître SHIRKHANLOO Avocat en droit du Travail


Que faire si mon employeur exige une modification de mon poste ou encore de mes attributions ?
Ai-je le droit de refuser ?

En réalité, tout dépend.

S’il s’agit d’une simple modification des conditions de travail alors le salarié ne saurait en principe refuser le changement.

Il en est différemment dans le cas d’une modification en profondeur de son contrat de travail.

Plus précisément, c’est dans le cadre de son pouvoir de direction que l’employeur peut procéder à des aménagements de poste ou peut modifier les tâches attribuées aux salariés.

Il arrive qu'il veuille procéder à l'attribution de nouvelles tâches, à la réorganisation des responsabilités du salarié ou encore au changement de qualification du salarié.

Ce pouvoir de direction reste néanmoins limité : l’employeur ne saurait toucher à la « moelle osseuse » du contrat de travail, c’est-à-dire aux éléments principaux et qui ont été déterminants pour le salarié.

Nul besoin de préciser que le salaire fait partie de ces éléments principaux mais pas que : le poste de travail, la qualification et les responsabilités peuvent aussi être considérés comme étant au cœur du contrat de travail.

Dans quels cas et dans quelles conditions le salarié peut refuser de telles modifications ? Maître SHIRKHANLOO Avocat à Toulouse vous répond.

1/ Le changement de qualification est une modification du contrat de travail qui peut être refusée

En principe, la qualification du salarié ne peut pas être modifiée sans l'accord de ce dernier (Cassation Sociale, 2 févr. 1999, n° 96-44.340).

2/ Dans le cas de modification temporaire des attributions du salarié

En principe, les modifications temporaires apportées aux fonctions s'imposent au salarié si elles sont effectivement exceptionnelles et de courte durée.

Toutefois, pour être considérée comme un simple changement des conditions de travail, la modification temporaire visant la fonction ne doit pas en outre s'accompagner d'une diminution de la rémunération.

Ainsi, dans certains cas, malgré son caractère temporaire, la modification des fonctions a été considérée comme une modification du contrat et la rupture consécutive au refus du salarié a été imputée à l'employeur.

Il en est ainsi pour une secrétaire à qui est demandé de remettre en état son bureau endommagé par des intempéries, et à en assurer l'entretien pendant l'absence de la femme de ménage ; elle peut à bon droit refuser cette aggravation de ses conditions de travail (Cassation Sociale 15 déc. 1982, n° 80-41.520).

3/ Dans le cas de légère modification des attributions, des tâches et du poste

- Le simple changement de tâche ne saurait en principe être refusé par le salarié

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut faire évoluer les tâches du salarié dans la mesure où elles correspondent toujours à sa qualification.

Mais il en va différemment si cette modification des tâches modifie en profondeur les fonctions du salarié.

Ainsi, par exemple, pour un « employé polyvalent » d’une grande surface, tel qu’il est mentionné au sein de son contrat de travail, il n’y aura pas de modification de son contrat si son employeur décidait de l’affecter dans différents rayons du magasin.

Dans le même sens, il n'y a pas modification de contrat  d'une salariée, directrice d'usine à qui il est demandé, dans le cadre d'une nouvelle organisation de l'entreprise, de déléguer certaines tâches à ses collaborateurs pour consacrer plus de temps au développement de nouveaux produits, ce qui correspondait à sa qualification et à ses attributions (Cassation Sociale, 30 avr. 2014, n° 13-13.834).

Ou encore, d'une salariée embauchée à la cueillette des citrons et affectée à l'engrainage des bananes (Cassation Sociale 10 mai 1999, n° 96-45.673) ou d'une salariée remplissant les fonctions d'acheteuse collants à qui l'on propose les fonctions d'acheteuse confection hommes (Cassation Sociale, 29 avr. 2009, n° 08-40.130).

Dans ces cas précisément, le salarié ne peut refuser une modification de ses tâches de travail, cette modification n’étant pas considérée comme perturbant le contrat de travail en lui-même.

Tout refus de la part du salarié peut être considéré comme une faute et saurait dès lors justifier une sanction disciplinaire telle qu’un licenciement.

- Le changement de poste peut dans certains cas être considéré comme une simple modification des conditions de travail et le salarié ne peut opposer son refus

Si le changement de poste du salarié ne modifie pas son degré de subordination à la direction générale, que sa rémunération, sa qualification et son niveau hiérarchique sont conservés, l'affectation du salarié à un nouveau département constitue un simple changement de ses conditions de travail (Cassation Sociale 10 oct. 2000, n° 98-41.358).

Ainsi, dès lors que les nouvelles tâches correspondent à la qualification du salarié, l'employeur peut affecter le salarié dans un service différent, à des tâches différentes sans que celui-ci puisse s'y opposer.

Il s'agit donc d'une recherche au cas par cas.

Cependant, on peut penser que l'accord du salarié serait requis si son contrat de travail mentionne que le salarié est affecté exclusivement dans un service ou un département bien déterminé.

Un changement d'affectation d'un salarié peut constituer une modification du contrat ou un simple changement des conditions de travail selon les circonstances.

Ainsi, a été considérée comme un simple changement des conditions de travail l'affectation d'un salarié à un nouveau poste correspondant à la même fiche descriptive que le poste occupé et au même positionnement dans la hiérarchie des employés. Il n'y avait pas diminution des responsabilités (Cassation Sociale 25 juin 2014, n° 12-29.519).

4/ Dans le cas de changement important des attributions et diminution des responsabilités

Lorsque les nouvelles tâches remettent en cause la qualification, le niveau de responsabilité ou la nature même de l'activité du salarié, il s'agit d'une modification du contrat de travail soumise à l'acceptation du salarié.

Il en est ainsi de la perte de la fonction d'encadrement même si la qualification et la rémunération sont maintenues (Cassation Sociale, 25 sept. 2013, n° 12-17.605).

Lorsque l'étendue des fonctions et le niveau de responsabilité du salarié sont fortement réduits, il y a modification du contrat nécessitant l'accord du salarié même si la rémunération ou la qualification ne sont pas affectées (Cassation Sociale, 30 mars 2011, n° 09-71.824).

Il en est de même lorsque les nouvelles attributions du salarié ne sont pas conformes à sa qualification, dans ce cas son accord est nécessaire.

Ainsi, par exemple, il y a modification du contrat de travail et l’accord du salarié est nécessaire dans les cas suivants :

Le salarié qui se voit retirer toute responsabilité au niveau de la planification et de l'organisation des ressources humaines et matérielles, cesse d'avoir les fonctions d'encadrement qu'il assurait depuis de nombreuses années et se heurte à l'interdiction d'accéder à l'atelier ; dans ce cas il y a modification du contrat de travail  (Cassation Sociale 6 avr. 2011, n° 09-66.818).

Ou encore, de l'entraîneur adjoint préparateur physique de l'équipe d'un club de football évoluant en championnat national qui est passé au poste de « préparateur physique des équipes juniors et de superviseurs des équipes seniors ». Le retrait de ses fonctions initiales constitue une déclassification caractérisant une modification du contrat (Cassation Sociale, 25 mai 2011, n° 10-18.994).

Mais encore, le salarié qui s'est vu retirer la direction de l'équipe commerciale tout en gardant le titre de directeur commercial ainsi que sa rémunération a subi une modification de son contrat de travail qu’il était en droit de refuser (Cassation Sociale 25 mai 2011, n° 09-71.026).

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